À quoi ça sert
ton truc
sur la Présence ?
Le terme présence dit à la fois un état, "être présent" et un mouvement, "se rendre présent". Avec majuscule, il désigne le mystère que j'explore depuis une nuit de doute.
Dans la page "Une Présence", je raconte comment à travers elle j'ai entrevue la possibilité d'une existence pleine en elle-même lorsque je prends conscience que "je suis". C'est à dire quand je parviens à m'envisager sans la sécurité d'un qualificatif.
Pour le moment, une telle sérénité est sporadique. Craintes et contrariétés ponctuent mon quotidien. La question "à quoi ça sert ton truc sur la Présence ?" me garde des élucubrations et conduit à approfondir la portée de cette Présence et de celle du "je suis" qu'elle permet.
Tentons une esquisse de réponse en examinant les imbrications entre cette énigmatique Présence, "je suis", "être présent" et se "rendre présent", à travers mon rapport à la créativité.
La créativité
Une résidence à la cité internationale de arts de Paris m'immergea pour la première dans le monde des artistes. J'étais très impressionné par leurs réalisations et démarches dites "contemporaines". Malgré six années de formation et une certaine dextérité technique, il me semblait n'avoir rien d'intéressant à proposer.
Venu tardivement à la sculpture par une porte dérobée, je ne me considérais pas comme artiste. Face aux installations, performances et autres vidéos conceptuelles, mon approche paraissait désuète (techniques et esthétique classique de sculpture).
Plus de professeurs à mes côtés, ni modèle, j'étais démuni devant mon bout de bois : quel sujet traiter et comment ?
Cette interrogation disait mon rapport à la créativité. Je l'envisageais comme la capacité à être original, essentiellement dans un rapport de comparaison avec les autres. En relisant ma trajectoire, il apparaît que derrière cette optique se jouaient une soif de me découvrir (originalité), et le besoin de prouver ma valeur (comparaison). Devant cette situation, je me sentais impuissant.
Par cette impasse s'est faufilée avec la fulgurance d'un éclaire une expérience de Présence qui chamboula mon aventure artistique, la liant définitivement à mon rapport au monde.
En commençant à scruter cette Présence, j'ai entrevu une nouvelle possibilité d'envisager mon identité. Elle peut se dire simplement par "je suis". Je comprends que dans ce fait pur d'exister, réside une plénitude à partir de laquelle peuvent se déployer créativité et originalité.
D'ordinaire, je procède en sens inverse : je tente d'être original en espérant que cela m'apporte une reconnaissance synonyme d'épanouissement.
Ces prises de conscience concernant mon rapport à la créativité et besoin d'approbation allaient se propager à ma pratique artistique puis à toute mon existence.
Pratique artistique
et rapport au monde
Dans mon parcours peines et frustrations sont d'une fidélité lassante. Je constate que ces affres sont le fruit de ma croyance que la plénitude ne s'obtient qu'à coups de réussites et qualités reconnues. Avec la conscience de l'existence d'un "je suis" plein en lui-même, se dessine peu à peu un rapport plus libre à la pratique.
Lorsque me revient en conscience cette possibilité d'être, ressort une joie et un achèvement dans une présence à mon geste et à l'exploration si précieuse pour la création artistique.
Je comprends aussi que mon illusion sur la source de la plénitude me rend indisponible à ce qui m'entoure. Dans cette perception, énergie et attention sont mobilisées dans une course désespérée soit dans la défense d'une position à laquelle je m'identifie, soit pour étancher une soif de validation.
En dévoilant que "je suis" sans nécessité de justification, la Présence me rend disponible à la relation. Dans ces rares occasions, mon rapport à l'autre et au monde n'est plus dans la captation. Je peut être présent à moi-même ainsi que me rendre présent à l'autre et au monde.
L'expérience de la Présence a mis en lumière un désir de singularité et et un besoin d'approbation. De mes échanges avec les uns et les autres, il semble que nous sommes nombreux concernés par ces mouvements.
Dans une forme de synchronicité, révélant que "je suis" elle me souffle qu'exister est suffisant en soi et espace de plénitude. Je comprends que c'est précisément de là que je peux donner forme à une originalité et espérer un rapport fécond au monde.
La Présence n'est pas une réponse mais une invitation à explorer mes activités à partir de de la conscience que "je suis".
Nous aurons l'occasion d'explorer cette soif d'être soi et ce désir de validation sous ses différentes formes. Le premier se traduisant aussi par une aspiration à la plénitude et le second provenant d'une peur ancestrale de l'abandon.
Les artistes sont-ils davantage sensibles à cela ?
Existe-t-il un lien entre désir de plénitude et crainte de l'abandon ?